La Conférence internationale de Yaoundé : Célébration et vision

La Conférence internationale de Yaoundé : Célébration et vision

De l’ensemble des célébrations marquant le 50e anniversaire de l’indépendance de dix-sept États africains cette année, celles qui se dérouleront au Cameroun se distinguent clairement. Certes le passé y sera célébré. Mais l’avenir y occupera une place significative, voire prépondérante. Tel est le sens de la Conférence internationale de Yaoundé des 18 et 19 mai prochains que les autorités camerounaises ont placé au cœur de leurs festivités nationales.

Cette initiative doit être saluée. Elle lie célébration et vision, mémoire du passé et exploration du futur. Elle fait d’un anniversaire un levier; d’une fête un investissement; des accomplissements des générations passées un socle pour les générations actuelles et à venir.

Le programme de cette conférence internationale rompt avec les sempiternels clichés concernant l’Afrique. Il témoigne des évolutions en cour d’un continent qui contient la plus grande réserve énergétique de la planète, constitue le dernier grand marché émergent et dispose de la plus jeune population du monde.

– L’Afrique est aujourd’hui, avec la Chine, le territoire le plus convoité du monde. Les nouvelles puissances dont notamment l’Inde, le Brésil, la Turquie et la Chine y investissent massivement et créent les conditions d’une compétition mondiale qui a tant fait défaut au continent. Ils bouleversent la fameuse relation Nord-Sud en portant à des niveaux jamais atteints la nouvelle relation Sud-Sud aux plans de l’investissement, des transferts technologiques, du commerce et de la création d’emplois. Ce faisant, ils placent durablement l’économie du continent au cœur de la mondialisation financière, économique et commerciale. Si les pouvoirs publics de ces puissances investissent dans les pays africains, le secteur privé international n’est pas en reste comme en témoigne la part croissante des fonds de Capital-Investissement que reçoit l’Afrique.

La conférence de Yaoundé prend acte et pose les questions suivantes : quelle stratégie pour que l’Afrique tire sa juste part d’une telle mutation? Quelle place pour l’Afrique dans l’échiquier mondial compte tenu de cette mutation? Comment valoriser le poids de l’Afrique dans le nouvel ordre mondial?

– L’Afrique est aujourd’hui et pour les décennies à venir le continent qui enregistre la plus forte croissance démographique, 700 millions d’habitants, soit 9% de la population mondiale en l’an 2000; 1,8 milliard en 2050, soit 27% de la population mondiale d’ici quarante ans. Voilà une évolution spectaculaire qui aura des effets majeurs sur le continent et concernant sa situation et son influence dans les affaires du monde. On a peine à imaginer les besoins qui découlent de tels chiffres : besoins en éducation, en santé, en logement, en emplois, en infrastructures de transport, urbaines, énergétiques, etc.

La conférence de Yaoundé pose la question suivante : Comment tirer profit de ce défi démographique?

Du programme de la conférence se dégage une idée nécessaire : les nouveaux atouts du continent doivent servir à combler ses besoins, les besoins des Africains. Ils doivent être mis à leur service. De cette idée générale, on est convié par les concepteurs de la conférence à l’examen des conditions concrètes du développement du secteur agricole, d’une meilleure exploitation des ressources naturelles, d’une juste protection de l’environnement, de la croissance du secteur privé et de la consolidation des institutions financières propres au continent.

Au plan politique, la conférence approfondira la relation entre bonne gouvernance et progrès économique. Elle évaluera de plus les progrès dans l’intégration économique de l’Afrique et ceux qui restent à concrétiser. Elle explorera enfin la question de l’Union continentale, cette idée certes difficile mais essentielle.

Nouvelles problématiques africaines, conditions du développement du continent, poids de l’Afrique dans la communauté internationale; tels sont les grands thèmes de cette conférence. Pour en débattre, outre le président Paul Biya, des politiques, des acteurs du secteur privé, des représentants de la société civile et des experts venus du continent et du monde entier.

Les cahiers de référence de la conférence sont solides et n’évitent pas les questions qui traditionnellement étaient glissées sous le tapis : rapport entre volonté politique et intégration économique; insuffisance dramatique de la ressource énergétique dans un continent qui regorge d’intrants hydrauliques ou solaires; invisibilité des retombées économiques de l’exploitation du sous-sol du continent; nécessité pour les acteurs internationaux traditionnels sur le continent de repenser leur relation avec l’Afrique; besoins de démocratie et amélioration du cadre juridique, fiscal et administratif des affaires. On est loin des béates répétitions qui ont meublé tant de conférences, colloques et autres symposiums.

L’esprit de la conférence de Yaoundé est sans précédent. Il témoigne d’une appropriation par les Africains de leur destin, d’une compréhension renouvelée de leurs intérêts et de la place de leur continent dans la géopolitique à l’œuvre au XXIe siècle. Il s’inscrit dans la célébration d’une libération et propose la vision d’une autre libération, celle des idées reçues, des poncifs éculés et des vieilles certitudes. Cette conférence est un acte de confiance en l’avenir de l’Afrique.

Jean-Louis Roy

Articles similaires