René Lévesque homme de la parole et de l'écrit 

René Lévesque – homme de la parole et de l’écrit 

RENÉ LÉVESQUE – HOMME DE LA PAROLE ET DE L’ÉCRIT 

La première carrière journalistique de René Lévesque explique largement comment s’est forgée sa voix unique au Québec. Reporter de guerre bouleversé par le spectacle des camps de concentration, envoyé spécial de Radio-Canada en Corée, anima­ teur de radio et de télévision, auteur d’innombrables chroniques de presse, il a toujours eu le souci – et le talent – d’expliquer les choses clairement, sans pour autant verser dans la simplification. De même, son intelligence sensible et sa proximité avec le public ont été un atout de poids dans sa vie politique. Cet ouvrage se penche sur cet aspect fondamental du caractère de René Lévesque, et sur bien d’autres éléments qui définissent ses qualités de communicateur.

ÉTUDES QUÉBÉCOISES

Les textes de René Lévesque, homme de la parole et de l’écrit sont tirés des interventions faites au deuxième colloque de la Fondation René-Lévesque. Les auteurs sont des spécialistes de la communication politique, des historiens, des journalistes et d’anciens proches collaborateurs de René Lévesque.

Avec les textes de: Éric Bédard, Aimé-Jules Bizimana, Anne Caumartin, Bernard Descôteaux, Yves L. Duhaime, Yves Dupré, Graham Fraser, Xavier Gélinas, Dominique Labbé, Marc Laurendeau, Denis Manière, Gratia O’Leary, Pierre Pagé,Jean-Louis Roy,Jocelyn Saint-Pierre et Alexandre Stefanescu.

 

ISBN 978-2-89649-429-3

Groupe Livre – Québecordia inc.

 

Sous la direction de ALEXANDRE   STEFANESCU et  ERIC  BEDARD

 

RENE LEVESQUE –  HOMME DE LA PAROLE ET DE L’ÉCRIT

 

Ouverture

 

PAR JEAN-Lours Roy

Je dois à l’amitié de certains d’entre vous de prononcer cette conférence d’ouverture même si je suis sans compétence particu­ lière pour apprécier la prose, la chronique, le genre mémorial, la lexicographie et autres dimensions, formes et fonds, de l’œuvre de René Lévesque, journaliste, chroniqueur, ministre, chef de parti et 23e premier ministre du Québec. Cette œuvre s’étend sur près d’un demi-siècle et emprunte tous les modes disponibles de la communication comme le montre le programme de notre col­ loque. Cette œuvre fut un long dialogue avec les Québécois, d’abord pour comprendre le monde et ensuite pour le changer.

 

Quelques souvenirs

Plusieurs parmi vous ont été des intimes de René Lévesque. Tel ne fut pas mon cas. Certes, mes enfants et les enfants Côté étaient des amis très proches et, dans ce contexte, les familles se retrou­ vaient à l’occasion des anniversaires ou des fêtes scolaires. Corinne Côté-Lévesque y venait régulièrement, et parfois accompagnée. La surprise était grande et heureuse pour nous tous, y compris le restaurateu chinois de la rue Victoria à Saint-Lambert qui voyait débarquer chez lui le premier ministre du Québec.

Nous nous connaissions autrement. Président qe la Ligue des droits de l’homme où militaient Jacques-Yvan Morin, Monique Rochori, Stella Guy, Simone Chartrand, Léa Cormier, Lisette Gervais, Pierre Meunier, le juge Sauvé et bien d’autres, j’ai alors rencontré avec Maurice Champagne toute la classe politique, y compris René Lévesque. La Ligue menait campagne pour la reconnaissance des droits individuels, ce qui était assez vendeur mais aussi pour les droits collectifs y compris le droit à l’autodé­ termination du Québec, ce qui l’était moins, et pour l’adoption par le Québec d’une Çharte des droits et libertés. Quelques années plus tard, je serai nommé commissaire et administrateur de la Charte par le gouvernement Lévesque.

Plus avant encore dans le temps, je me souviens d’un entretien sollicité et obtenu avec le chef du Parti québécois pour une chro­ nique que je tenais alors dans la revue Actualité. Revenant d’une tournée du Québec, il m’avait reçu dans son petit bureau de la rue Christophe-Colomb et baladé verbalement de Gaspé à Val-d’Or, du Lac-Saint-Jean à Saint-Georges de Beauce. Pour le néophyte que j’étais alors, ce moment fut à la fois une grande leçon de géographie, de politique et de journalisme. Le texte complet de l’entretien faisait 20 pages, la synthèse remise à la rédaction pour publication 5 ou 6 pages et le texte publié une page et demie. Une pratique barbare de la coupe que je retrouverai au Devoir.

Plus avant encore dans le temps, je me souviens de la venue de René Lévesque dans ma Beauce natale chez un oncle député fédé­ ral indépendant. Le docteur Raoul Poulin. Dans le parlement fédéral contrôlé alors par le vieux lion des Prairies, ce fier Beauce­ ron formait avec .deux ou trois autres collègues indépendants un Bloc québécois avant la lettre et, cher Graham Fraser, il déses­ pérait comme vous de voir le gouvernement fédéral respecter les langues de ses deux« peuples fondateurs», comme on disait alors, les « langues officielles », comme on disait hier encore avant la nomination de titulaires unilingues aux fonctions de Directeur des communications au Bureau du premier ministre, de vérifica­ teur général du Canada et de juge à la Cour suprême. Dans le petit village de Saint-Martin de Beauce, la venue de René Chaloult, de Jean Drapeau ou de René Lévesque constituait des événements considérables et -donnait lieu à de vastes supputa­ tions pré-péquistes qu’emportait la débâcle annuelle de la rivière Chaudière.

Ma relation avec René Lévesque changea de nature entre 1981 et 1986. Nommé directeur du Devoir, je devais commenter les actualités du temps et, en priorité, celles du Québec dont le gou­ vernement était alors dirigé par M. Lévesque. Nos contacts étaient rares, précis et non dépourvus de cordialité sauf quand il exigeait avec insistance et parfois avec raison un redressement et confondait le texte faisant problème et son ou sa signataire. « Ce n’est pas digne du Devoir – Un journal comme Le Devoir ne peut pas descendre aussi bas.» Et vlan! Une collègue en particulier lui tapait sur les nerfs, et je vous épargne les qualificatifs puisés dans son vaste vocabulaire pour moquer sa brillance éphémère et son piètre sens politique, selon le jugement du premier ministre.

Post-référendaire, la période était chargée comme aucune autre. Elle était remplie d’incroyables contrastes : la parade des vainqueurs menée par Trudeau et Chrétien, la main tendue de Mulroney utilisant les mots que lui prêtait Lucien Bouchard, pour un temps, et la réponse de René Lévesque, la seule possible dans la conjoncture, mais qui fit éclater son parti ; l’alliance des pro­ vinces avec le Québec suivi du glacial isolement du gouvernement québécois ; le rapatriement de la Constitution et le surplace insupportable et obligé de l’Assemblée nationale ; la profonde crise économique obligeant le gouvernement Lévesque à frapper ses alliés naturels et, au Parti québécois, une incessante guérilla de concepts, de propositions et « d’accession à l’infaillibilité», selon la forte expression de René Lévesque, heurté par une telle frénésie, plongeant avec régularité la première force politique du Québec et le gouvernement dans l’acide. « Un climat d’étuve», écrira René Lévesque. Les caribous se précipitant dans les eaux de la Caniapiscau et les kangourous dissimulant dans leur poche ventrale ce qu’ils ont présumément de plus cher.

Clairement, le temps de la rupture était venu, celui de la reconstruction, engagé, mais « les secousses des derniers mois avaient laissé des fissures que rien ni personne ne pourrait plus réparer». Sur ces mots, René Lévesque change de chapitre et donne au suivant le titre de l’un de mes éditoriaux: « La grande fatigue de M. Lévesque».

Durant cette période, je signerai un grand nombre de textes consacrés au premier ministre, à ses politiques et aux crises qui assaillaient alors la société québécoise. Aussi aux événements extraordinaires du PQ devenu une sorte de volcan en éruption permanente. Puis vint, selon le mot de René Lévesque, « le temps du détachement ».

Des années plus tard, je le reçus à la délégation du Québec à Paris. Il n’était plus chef de gouvernement. Au ministère des Rela­ tions internationales, certains s’inquiétaient du traitement que je lui réservais. On me bombardait d’instructions exigeant que nous adoptions une position plus modérée. Dans l’intervalle, je com­ munique avec le premier ministre Bourassa pour autre chose et, à la fin de notre conversation, je lui dis que le MRI me fait quelques misères à propos de la venue de René Lévesque. Il veut des noms, bien sûr, et conclut comme suit: « Recevez-le comme vous me recevez ! » Au dîner, je fais le mot de circonstance en citant abon­ damment l’un de mes éditoriaux, particulièrement louangeur pour mon invité principal. Alors René Lévesque se lève à son tour et, avec son humour unique, me met au défi de citer un autre, un seul autre éditorial aussi favorable. L’homme était manifestement heureux. Il était à nouveau journaliste et préparait une grande série sur la Francophonie. Nous avons alors longuement débattu du mouvement qu’il enveloppait d’une affection certaine et d’un doute méthodique non moins certain.

 

Une vision de la politique

J’ai longtemps hésité entre quelques expressions fortes offertes par Martine Tremblay dans son très beau livre Derrière les portes closes et une expression de Corinne Côté-Lévesque dans sa pré­ sentation de Attendez que je me rappelle … pour qualifier l’œuvre considérable de René Lévesque. J’ai finalement choisi ces mots simples de son épouse : « Il ne faisait pas de la politique, il avait une vision de la politique. » En effet, René Lévesque appartient à cette confrérie peu nombreuse de politiques qui, dans l’histoire propre du Québec, ont eu une vision de la politique. Ceux-là ont imaginé à la fois la dimension exaltante du destin commun pos­ sible, et celle, tragique, des limites de son accomplissement. René Lévesque a été le porteur « d’exigences plus profondes», selon l’expression de Thomas Sloan, expression que reprend justement Martine Tremblay.

Comment partager ces exigences plus profondes pour qu’elles ne restent pas méditations personnelles ou sèches propositions programmatiques? Comment les transposer dans la sphère publique, les montrer au grand jour et les offrir en partage sans les trahir et sans se trahir? Les prises de parole innombrables et les écrits de René Lévesque sont indissociables de cette nécessité et de cette impossibilité. Sa liberté aussi, y compris face au Parti et à ses autres créations qui n’ont jamais eu priorité sur ses exi­ gences plus profondes. En matière de droits, de liberté et de valeurs démocratiques, il se méfiait des trouvailles du siècle et leur préférait les trouvailles venues des siècles.

Si son grand dessein de redéfinir la place du Québec par rap­ port au Canada et au monde n’a pas abouti, sa vision éthique des institutions, sa farouche défense des valeurs démocratiques, son souci d’équité sociale et d’affirmation économique ont durable­ ment marqué l’ethos québécois. Ces convictions et les politiques qui les incarnent sont au cœur de la Révolution tranquille, qui est aussi l’œuvre qu’il a accomplie avec quelques autres. Ces convic­ tions et ces politiques ont aussi marqué la société québécoise durant sa décennie au pouvoir. Mais entre les deux périodes, celle de la Révolution tranquille et celle du régime Lévesque, la diffé­ rence est de nature. En 1960, la classe politique a répondu à un profond désir et besoin de changement qui avait longuement mariné dans l’après-guerre et qui rejoignait un nombre sans cesse croissant de Québécois. Le mouvement allait des citoyens vers le et la politique. En 1970, le mouvement allait du politique vers les citoyens, qu’il fallait animer du désir et convaincre du besoin de changement.

Certes, resituée dans le temps long, il n’est pas illégitime de poser la question de la pertinence de l’option qui fut au cœur de l’engagement de René Lévesque, d’autant qu’elle était plus nuan­ cée, plus enracinée dans la durée historiquè du Québec que cer­ tains ont bien voulu le reconnaître. Cet homme du changement aimait aussi les continuités. Que serait devenu le Québec si René Lévesque était resté au Parti libéral, et que serait devenu le fédé­ ralisme canadien? Que serait devenu le Québec sans les référen­ dums successifs et Trudeau sans sa victoire de 1980? Dans le temps long qui n’est pas encore complètement accompli, quel bilan provisoire – actif et passif – démographique, économique et politique – peut-on faire de l’inclusion dans la politique québé­ coise et canadienne de l’option de la souveraineté à la fois comme stratégie politique et comme programme politique? Finalement, il faudra bien se demander à qui a profité ce choix et l’échec qui l’a suivi.

 

La parole

Dans nos mémoires – certainement dans la mienne – , René Lévesque se présente comme un saltimbanque des mots. Il les étend dans des phr<;1ses pliées et dépliées comme des vagues qui se super­ posent plus qu’elles ne se succèdent. La langue française est comme réinventée en permanence par ces éclipses, ces incises, ces énumérations qu’il multiplie comme un artisan à la recherche de la forme définitive. Il vient manifestement du temps immémo­ rial de la parole… et de ses premiers prolongements technolo­ giques, l’imprimerie, le télégramme, le fax, le téléphone et la radio… d’un temps où les images étaient rares autant qu’elles sont devenues insupportablement surabondantes. Sa gestuelle unique est aussi de ce temps. Accompagner et illustrer la parole avec le corps, les bras, les yeux et les mimiques. Ce monde sans image sinon longuement construite par les peintres, les graveurs, le cinéma naissant et les premiers photographes nous est lointain et peut-être incompréhensible. Mais un monde sans image est un monde de la parole.

Quelque chose en René Lévesque s’est irrévocablement fixé dans cette période… Récemment, en écoutant ou en me remé­ morant certaines de ses interventions, j’ai eu la forte impression que, dans son cas, la parole précède toujours l’image. Il ne com­ mente pas les images, il commente les réalités. Mais il se les annexe, en quelque sorte, comme un élément de preuve, comme une extension de la démonstration, une pièce venant conforter une plaidoirie. En l’écoutant, j’avais le sentiment que pour lui la parole était première et même que, dans son cas si singulier, elle était l’image. Dans certains moments forts de sa vie publique, cette symbiose a fait l’histoire. Le jour de la démission d’une quasi-moitié deson conseil des ministres, il se lève à l’Assemblée pour répondre à la question suivante de Gérard D. Lévesque : « Monsieur le pre­ mier ministre, avez-vous toujours un ministre des Finances, un ministre de !’Éducation, un ministre de la Science», etc. René Lévesque pointe d’abord les bancs vides qui l’entourent et, comme pour habiller son geste, il répond : « Monsieur le président, je ne sais pas.» Je tiens aussi sa gestuelle et ses mots, le soir du référendum de 1980, comme l’un de ces« moments synthèses».

 

L’écrit

Les collaborateurs de René Lévesque nous disent qu’il écrivait lui­ même tous ses discours et improvisait finalement assez peu. Des milliers d’heures sans doute dans sa vie. Impression strictement personnelle, j’ai eu en relisant ses ouvrages le sentiment d’une parole écrite qui attend une réponse, le curieux sentiment de l’en­ tendre en le lisant, de le voir jongler avec les mots mis en ordre de marche, faire parler ses silences et préparer des chutes rarement convenues. Miron disait que l’écriture était pour lui un moyen d’action et non une activité à part. Pour Lévesque aussi, la prose est une affaire de convictions et d’action. Elle est un outil poli­ tique et il en connaît la portée, l’utilisation, aussi, qu’on peut en faire contre lui, d’où sans doute l’extrême attention qu’il portait à ses interventions écrites, pour des raisons politiques mais aussi pour le respect qu’il avait pour sa fonction de chef de gouverne­ ment. Vieux réflexe sans doute hérité des normes qu’il s’imposait déjà à la télévision de Radio-Canada du temps où, journaliste, il évoquait ce qui fut et advint, normes qu’il transposa dans sa fonc­ tion politique dédiée à ce qui doit advenir.

« Savez-vous écrire?» lui demanda un jour Trudeau « sur ce ton baveux qu’il affectionnait» (dixit René Lévesque). « J’ai de vieux copains, écrira-t-il dans ses quasi-mémoires, qui prétendent que j’écris encore plus mal que je ne parle, même quand je parle bien… » Le savoir-écrire, me semble-t-il, fascinait et dominait l’intellect de cet être que l’on disait brouillon, sauf pour ses inter­ ventions écrites qui répondent à une architecture textuelle cons­ truite, travaillée et efficace. Martine Tremblay le montre griffon­nant quelques phrases avant ses interventions publiques ou planchant avec intensité sur des textes plus conséquents« jusqu’à ce qu’il trouve le ton et le degré de nuances désirées, le mot ou l’expression juste». Exigences personnelles, sans doute! Mais aussi esprit d’une époque, effet d’une culture valorisant l’écrit tra­ vaillé et retravaillé. Gérard Pelletier, Claude Ryan, André Lauren­ deau, Jacques-Yvan Morin et bien d’autres encore appartiennent à ce temps.

René Lévesque est aussi ,de la première génération de l’image télévisuelle, qu’il apprivoise, utilise et maîtrise avant que sa profu­ sion, tel un tsunami permanent, déferle sur et dans les esprits. La télévision que René Lévesque a connu’e et animée avant de dire «oui» à Jean Lesage et à Georges-Émile Lapalme nous est lointaine et en partie inconnue.

Artisanale, volontariste, directe, elle faisait alors appel aux talents, aux compétences, à la culture et au travail des journa­ listes. Elle n’a rien à voir avec ce fleuve de commentaires et d’im­ provisations, cette lecture assommante et accommodante de communiqués qui déferlent sur nos écrans en permanence. Elle n’a rien à voir non plus avec le traitement fait aujourd’hui aux journalistes auxquels on demande de parler, avec autorité et dans la même heure, du besoin de dévaluation de la devise chinoise, de la grossesse de Carla Bruni, de la régression royaliste du Domi­ nion du Canada, de la guerre au Sud-Soudan, de l’effondrement appr hendé du pont Champlain et du dernier spectacle du Cirque du Soleil consacré à Michael Jackson. Et en boucle, s’il vous plaît, deux fois, trois fois et davantage. La Fédération des journalistes professionnels du Québec devrait se battre contre cette impos­ ture et exiger plus de respect pour ses membres et pour leur public, notamment de la part de la télévision publique. À moins de croire qu’il n’y a pas d’autre modèle possible. Ce qui n’est pas vrai.

Avec son tableau, sa cigarette, sa fréquentation du monde, sa culture politique, son intelligence cumulative, sa curiosité intel­ lectuelle, ses mots de tous les jours, sa discipline, René Lévesque avait besoin, lui, d’une bonne heure pour expliquer la guerre conduite par la France en Algérie. À l’époque, il semble que la direction de Radio-Canada comprenait ce besoin! Mais je m’aventure ici un peu trop sur un terrain qui sera éclairé pour nous par Marc Laurendeaù.

Au-delà de ces fleuves de mots dits et des mots écrits par René Lévesque, ce qui importe est la signification. Ce discours sur l’émancipation de la nation et subséquemment sur la souverai­ neté constamment élargie des femmes et des hommes d’ici, des créateurs et des entreprises d’ici, n’est pas un simple discours. Il constitue une ardente obligation.

Quelle forme prendra cet État-nation que nous croyons si proche et indispensable, se demandait René Lévesque en 1985? Je ne le sais pas plus que quiconque, se répondait-il à lui-même, sinon que seul le peuple du Québec en décidera. Tout le reste est politique de l’imaginaire ou de l’abstraction, selon les mots de granit de Pierre Vadeboncoeur.

L’homme dont la parole et les écrits nous rassemblent aujour­ d’hui nous a laissé un enseignement essentiel : le Québec est res­ ponsable de son destin et personne d’autre que les Québécois ne le réalisera à leur place. Mais il faudra que cette minorité­ majorité se convainque à nouveau du besoin de sa cohésion et, sur quelques questions essentielles, atteigne au consensus qui tirera des guérillas actuelles quelques domaines constitutifs ; que nous nous dotions d’une politique de la population qui inclut une révi­ sion radicale du traitement que nous réservons aux.immigrants, qui constitue un échec cuisant, au point où le chef d’un nouveau parti se permet de proposer que nous réduisions de 50 % leur nombre déjà faible quand il faudrait le doubler; que nous soyons aussi véritablement obsédés par la déscolarisation des enfants du Québec, ce drame absolu, et que nous corrigions une situation sociale et économique que rien, absolument rien, ne peut justifier. Mais comment dissoudre la complaisance qui nous ronge?

Comment élever le débat public et donner -à nouveau crédit et légitimité à l’espace public et à nos institutions publiques sans lesquelles le Québec s’atomise, se ringardise et « s’humorise » ?

Telles sont quelques-unes des interrogations que ma fréquen­ tation récente des mots et des écrits de René Lévesque a fait émerger dans mon esprit. Elles débordent peut-être le cadre de notre rencontre, mais si peu, dans la mesure où tous ces mots et ces écrits convergent vers une idée simple : une autre perspective est possible.

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